Peut-on partir loin et déconnecter pendant un mois quand on est avocat ?

J’ai eu le plaisir d’interviewer Pierre-François Rousseau à l’occasion d’un épisode de mon podcast « Fleur d’avocat ». Alors que je l’interrogeais sur ses projets futurs, il m’a confié que la seule chose qu’il aimerait vraiment pouvoir faire un jour serait de partir trois semaines / un mois loin, sans regarder ses emails ni répondre à qui que ce soit. « Mais je ne pense pas que je pourrai le faire tant que je serai avocat » m’a-t-il dit. 

Pierre-François Rousseau est associé du cabinet PHI AVOCATS, qu’il a cofondé avec son ami et confrère Charles Cuny. Le cabinet compte deux collaboratrices, ainsi qu’une assistante. 

Pierre-François Rousseau et Charles Cuny ont été formés à la même école : ils ont été collaborateurs du même avocat avant de s’installer à leurs comptes respectifs. Avant de s’associer, ils ont chacun exercé seuls, mais avaient pour habitude de se relire mutuellement actes et contrats. Puis, en s’associant, il était très clair pour eux qu’ils voulaient créer une marque : « on voulait que les clients se disent ‘on va chez PHI’, ‘va chez PHI pour tes problèmes juridiques’ plutôt que ‘va chez untel ou untel’, qu’on s’efface derrière cette marque-là ».

Dans ce contexte, j’ai été surprise qu’il n’imagine pas pouvoir lâcher prise pendant un mois. 

Pierre-François évoque les clients, qui ont envie que ce soit lui qui gère leurs dossiers et non un autre interlocuteur - les clients toujours, qui peuvent contacter leur avocat n’importe quand et qui s’attendent à ce qu’on leur réponde dans de très courts délais, mais aussi la responsabilité d’être à la tête d’une entreprise et la crainte qu’une erreur ou la perte d’un client ait des répercussions sur l’ensemble du cabinet. Il parle également de la difficulté de déléguer dans une profession où quoi qu’on dise, il faut faire du sur-mesure, ainsi que l’envie d’avoir un regard sur ce que produisent ses collaboratrices. Il confie enfin la volonté de contrôler les choses et le stress de devoir vérifier que tout tourne. 

Pierre-François n’est certainement pas le seul à se poser ces questions, et je lui suis reconnaissante d’avoir partagé ses peurs, dans lesquelles je ne doute pas que d’autres avocats se reconnaîtront, au micro de Fleur d’avocat. 

Personnellement, je m’interroge. Ne serait-il pas envisageable que pendant ces semaines d’absence, son associé, en qui il a manifestement confiance s’agissant de la qualité du travail, prenne le relai pour la validation des actes préparés par leur collaboratrice dans « ses » dossiers ? Les clients seraient-ils réellement contrariés que leur dossier soit géré sous la supervision de son associé pendant son absence ? In fine, est-il possible de faire primer la marque du cabinet avant l’avocat, pas seulement du point de vue de la communication externe mais également en pratique, dans la relation client et, dans la continuité, dans l’organisation du travail ? 

Par ailleurs, quid des avocates qui s’absentent pendant leur congé maternité (Pierre-François admet que « c’est vrai qu’on a un avantage quand on est un associé homme de ne pas être obligé de se poser ce genre de question » - à mon avis, il faut justement que les avocats-hommes se posent ce genre de questions, et je salue à cet égard l’initiative du cabinet Foley Hoag d’accorder à ses collaborateurs un congé de 18 semaines en cas de naissance ou d’adoption quel que soit leur sexe) ? Quid des avocates et des avocats qui font face à une maladie nécessitant des périodes d’absence ? Est-ce à dire qu’il leur est impossible, en s’organisant avec d’autres confrères par exemple, de maintenir leur clientèle pendant leur absence ?

Pierre-François et moi avons poursuivi cette discussion après la fin de l’interview. Il est notamment ressorti que, si le cabinet souhaitait se structurer de telle façon qu’un des deux associés puisse s’absenter pour une durée relativement longue, cela serait possible à condition d’être pédagogue avec les clients, mais aussi, et c’est certainement là que réside le frein principal… d’être prêt à renoncer aux clients qui ne sont pas en ligne avec ce mode de fonctionnement, le cas échéant.

Dans la mesure où cela lui tient à cœur et contribuerait donc à encore plus d’épanouissement dans son exercice, je souhaite à Pierre-François de pouvoir faire ce voyage sans chaines pendant sa carrière d’avocat. Et vous, aimeriez-vous pouvoir vous absenter sans devoir tout quitter pour autant ? Que pourriez-vous faire pour que cela soit possible ?

Lilas Louise

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