Êtes-vous trop bien pour échouer ? Orgueil et procrastination...

J'ai écouté l’interview de Marion Seclin dans le podcast La Leçon de Pauline Grisoni [c’est un podcast sur l’art de rebondir après un échec et je me demande en vous écrivant pourquoi je ressens le besoin d’écouter ce podcast en ce moment alors que je ne vis pas d’échec particulier si ce n’est celui de ma productivité mais passons].  

Dans son interview, Marion Seclin dit entre autres choses pertinentes que : « Les gens qui ont un syndrome de l’imposteur et qui n’osent pas se lancer sont trop bien pour l’échec. »  

Puis, alors que je trainais sur LinkedIn [cf. l’échec de productivité supra], je suis tombée sur le post d’un mec qui pose là le fait que la détestation de soi est paradoxalement le signe d’un narcissisme incurable. Le propos est qu’on aime tellement une image fantasmée de soi qu’on est déçu par ses réalisations effectives. Il poursuit sur le fait que toute modestie est fausse, « ce qui fait de l’expression fausse modestie une redondance pataude » [ça sonne tellement bien : « redondance pataude »].  

Hormis le fait que je m’efforce de ne plus utiliser le vocable « narcissisme » quand je veux évoquer l’orgueil depuis que j’ai écouté le travail de Fabrice Midal sur la mauvaise interprétation du mythe de Narcisse, et bien je suis tout à fait d’accord.  Ça fait mal de le dire parce que je suis la première à le faire (ces lettres en sont la preuve), mais se déprécier est effectivement la meilleure manière de se rassurer (et d'obtenir de son interlocuteur qu'il nous rassure : "mais non, tu peux le faire").

Avez-vous remarqué comme on ne se flagelle jamais sur un truc pour lequel 1) on est vraiment, objectivement, nul, et 2) on n’en a rien à battre d’être nul ? Genre, est-ce que je manque de confiance en moi en natation ? Jamais. Est-ce que je me plains d’être nulle en natation ? Non. C’est un fait, et d’ailleurs, je m’en fiche. Je n'ai aucune projection de moi, fendant l'eau avec force et grâce et repoussant les limites du chronomètre. Ça me convient parfaitement de ne respirer que du côté droit parce que je tords le cou bizarrement à gauche, je me satisfaits de ne pas boire la tasse, ce qui relève du niveau de la survie et constitue donc un cruel manque d'ambition.

Mais si je suis honnête avec moi, mes vraies peurs, les vrais trucs qui me font douter, c'est ceux pour lesquels je sais, au fond, que je peux le faire. Que j'ai tout ce qu'il faut pour tenter le coup et probablement réussir. Pas en claquant des doigts bien sur. Mais que si je travaille dur, si j'y dédie du temps, si j'apprends, si je m'entoure des bonnes personnes, si j'essaie, si je recommence, si je corrige, si je persiste, si j'accepte la notion de progrès nécessaire, je sais que je peux réussir.

Donc quand je me plains, ne serait-ce pas plutôt ma déception de ne pas avoir donné à la hauteur de mes capacités ? Ce qui place le curseur non pas sur la situation, le contexte, mais plutôt sur moi. Qu'est-ce que j'estime être ma capacité dans un contexte donné ?

[Parenthèse utile : attention, je ne dis pas que tout dépend que de soi, parce que c'est faux. On joue dans un contexte, avec un certain jeu de cartes. Personne n'est omnipotent. Mais qu'est-ce que je fais de ce jeu de cartes ?] 

Par exemple, le tournage des vidéos e-learning pour les formations commence lundi. Lundi !! Je m'étais donné trois semaines pour travailler dessus, préparer les scripts, superviser le travail des autres intervenants, enrichir le contenu. Et devinez qui est dans le rush ce weekend ?
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J'ai tellement la tentation de me plaindre que j'ai peur, que c'est dur, que c'est nouveau, que je ne sais pas faire, que je découvre sur le tas. Alors que tous ces éléments me sont connus depuis le début et en plus c'est aussi ça qui est cool, le potentiel d'apprentissage dans tout ce processus. Par contre je m'en veux, je me déçois de travailler encore sous pression, de ne pas m'être mieux organisée. Je peste sur ce mode de fonctionnement alors que j'aimerais tellement être cette meuf organisée et disciplinée.

Alors il y a deux questions :

1) Est-ce que je m'en veux vraiment ? qui consiste en un changement de perspective sur mon sentiment sur lequel je ne m'attarderai pas dans le corps de cette Lettre*.

2) Quid de l'imposture ("je ne sais pas faire, je ne suis pas prête"), de la modestie, de la plainte. Et bien on lui ferme le clapet à l'imposture. On travaille sur soi pour rapprocher l'état actuel de l'état souhaité. Parce que tout ce temps à tergiverser consomme une énergie dingue, disons-le.

Comme le dit Marion Seclin, le fait de rester dans cette posture de victime, de se plaindre que les choses n’avancent pas, c'est chiant aussi. Un jour ça devient une urgence et puis on fait le travailsur soi, et on fait les choses. "Moi à chaque fois que je me donne des excuses, je le sais.", dit-elle.

Alors j'essaie depuis quelques jours de ne pas parler de la semaine prochaine sous le ton de la plainte, mais plus du constat ("non je ne suis pas dispo ce weekend parce que j'ai encore beaucoup de travail pour le tournage" vs. "c'est l'enfer je ne vais pas y arriver c'est trop dur je ne suis pas à la hauteur je ne suis pas capable"). Et juste de faire, d'être à la hauteur de ce que je peux donner, ce qui inclut le fait d'être à la hauteur de ce que je peux apprendre

Ça ne m'empêche pas d'être pleine de reconnaissance envers mes potes qui savent que je suis en PLS en vue de la semaine qui vient et qui m'écrivent pour me dire que comme d'hab je vais tout donner dans les 3 jours et que je vais déchirer. Leur confiance en moi est tellement précieuse. Mais c'est quand même un changement linguistique.

Donc, je vous propose vous aussi d'identifier les moments où vous êtes en mode dévalorisation et imposture, et de vous demander ce qu'il y a derrière. Que projetez-vous ? Et si vraiment au fond de vous vous ne savez pas que vous pouvez, et bien apprenez-le : c'est essentiel.

*Est-ce que je m'en veux vraiment ? Qu'est-ce qui a joué dans mon retard ? 1) Une escapade à fort potentiel romantique, puis 2) Trop de lecture sur les sujets de la formation Bien dans ma robe [passion systémie] [oui je suis une intello insupportable]. Or 1) j'ai pas envie de sacrifier le romantisme sur l'autel du boulot et 2) qu'est-ce que ces lectures m'ont fait du bien [en plus de me donner de la matière pour enrichir Bien dans ma robe] ! Le bilan n'est donc pas si négatif que ça ;)

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