Ce soir je vais faire l'éloge de l'ambition.
J'ai diffusé l'interview de Stéphanie Smatt Pinelli. Stéphanie a exercé comme avocate en contentieux et arbitrage au barreau de Paris pendant plus de 10 ans avant de ranger sa robe pour rejoindre le groupe Orano en qualité de Directrice juridique contentieux.
Pendant l'interview, et aussi à la fin une fois le micro coupé, Stéphanie était un peu gênée par ses propres propos [elle me faisait des grimaces]. Elle avait l'impression de dire des choses horribles, qui pourraient passer pour du calcul, de l'opportunisme.
Personnellement, j'ai beaucoup aimé cette interview. Je trouve au contraire que Stéphanie a été d'une grande générosité dans son partage, et qu'elle dégage une ambition très souriante, pétillante, solaire.
L'ambition, c'est ce qui fait qu'on se lance dans ou qu'on participe à un projet. Qu'on créée des choses. Qu'on rencontre des personnes. Qu'on découvre des univers. Qu'on donne corps à sa curiosité, et qu'on est curieux de nouvelles choses. Et donc, tout mis bout à bout, l'ambition est ce qui nous fait grandir.
Un des premiers exercices que je fais faire dans la formation Kit de survie dans la profession d'avocat [ex Bien dans ma robe] [oui j'ai changé de nom pour que la nécessité de cette formation soit plus évidente], c'est celui de la définition de son exercice professionnel rêvé. Si vous aviez une baguette magique, qui aimeriez-vous être et/ou comment aimeriez-vous exercer dans 3, 5 ou 10 ans ? Ça a l'air bateau comme ça n'est-ce pas ? Et pourtant, savez-vous répondre pour vous-même ? Et surtout, savez-vous répondre sans entrave, sans vous censurer, sans vous dire que vous exagérez à mettre X de CA, ou X amplitude horaire, ou X type de clientèle comme objectif ? Ou à vous dire que X amplitude horaire est incompatible avec X CA et X clientèle ?
Poser des mots sur son ambition attire nécessairement des opportunités puisque cette même ambition invite à faire (des projets, des rencontres, etc.). Or, quand on fait, il se passe des choses. Pas forcément les choses qu'on a prévues ou anticipées. Pas forcément non plus des choses qui ont une valeur commerciale immédiate, ni même une valeur commerciale tout court d'ailleurs. Mais il s'en passe.
J'ai aimé que Stéphanie confie son ambition de devenir associée, en l’occurrence pour l'occasion de changer de métier dans la même profession, pour la perspective de nouveaux défis et donc un chemin porteur d'apprentissage et de croissance.
Chemin faisant, elle s'est investie dans de nombreux projets. Elle a croisé la route d'une legaltech, elle en a fait un client perso, sa curiosité a été piquée par le sujet de l'innovation dans le milieu du droit, elle s'est investie dans l'incubateur du barreau de Paris et à la Commission innovation du CNB, elle a ouvert sur le sujet de l'innovation managériale, etc.
Finalement, Stéphanie n'a pas développé de clientèle personnelle particulière pendant ces années, et encore moins de clientèle personnelle qui serait une carte à jouer dans un dossier d'association au sein du cabinet d'affaires dans lequel elle exerçait. Ça aussi, elle en parle avec une honnêteté déconcertante. Et c'est cool parce qu'il faut arrêter de penser que le développement, ce n'est que le développement commercial, le développement d'une clientèle personnelle, le développement d'un business.
Le développement, c'est toute chose qui vous fait évoluer. Comme un Pokémon. L'entrepreneuriat est un vecteur de développement extraordinaire, mais ce n'est pas le seul. Votre parcours de développement, ça peut aussi être de faire du théâtre et de vous entrainer à la prise de parole en public parce que votre ambition est d'être capable d'animer une conférence avec aise, d'avoir une prise de parole confortable.
Vous remarquerez que Stéphanie n'est pas devenue associée. Elle a rangé sa robe dans un placard pour rejoindre les bancs d'Orano. Le message derrière, c'est qu'une ambition n'est pas définitive, fixe, immuable. On peut changer, bifurquer, lentement ou soudainement, au gré d'une opportunité [à ce propos, en discutant avec une copine, nous nous souvions qu'à une époque, je rêvais, nous rêvions d'avoir une paire de Louboutin. Je pense que ça représentait pour nous un signe de réussite comme avocate. Et maintenant j'avoue que la paire de Louboutin je m'en fiche royalement].
Tout ça pour dire : vous pouvez être ambitieuse ou ambitieux sans crainte : une ambition, ça s'actualise régulièrement.
Pour conclure, si le mot ambition vous gêne, vous pouvez parler de vision, de perspective, ou plus timidement de projet. Moi j'aime parler de désirs, parce que l'ambition c'est rien d'autre que ça : avoir un désir pour son futur soi*.
Cela étant, si votre truc dans la vie c'est de rester là où vous êtes, et exactement comme vous êtes déjà, c'est bien aussi que vous vous sentiez libres de le faire
*D'ailleurs Brooke Castillo [la coach américaine dont je vous ai déjà parlé] vient de diffuser un épisode sur le désir dans son podcast qui est top.