Je vais revenir avec vous sur un de mes principaux apprentissages de la fameuse semaine de tournage des vidéos de ma formation sur la confiance en soi*.
Pour vous remettre un peu dans le contexte, j'ai levé des fonds via un financement participatif en juin/juillet 2020 pour produire ces vidéos. Beaucoup de travail, un gros investissement, donc pas mal d'enjeux et avec ces enjeux une bonne dose de stress.
Dans cette formation, je faisais intervenir des coach professionnels, parce que que je pense que travailler avec des coachs certifiés et expérimentés apporte une vraie plus-value en termes de qualité de contenu, de sérieux et de légitimité. Et aussi parce que je n'ai pas envie que Fleur d'avocat soit une aventure individuelle. C'est chouette de travailler avec d'autres personnes aussi, j'aime cette idée de collectif.
Naïve, optimiste et aussi impatiente que cette étape de production soit derrière moi, j'avais prévu de tourner les trois formations début septembre (soit 3 formations, avec pour chacune entre 6 et 10h de contenu). Mon calendrier était implacable :
Niveau travail avec les intervenants, j'avais plutôt dans l'idée de ne pas être trop interventionniste. Je m'explique : je fais intervenir des experts parce que je pars du principe qu'ils savent mieux que moi, je leur fais confiance sur la matière qu'ils vont apporter et sur leur style de coaching (un coaching pragmatique plutôt que hippie style). Donc a priori grande liberté éditoriale dans le contenu. Et il faut dire que j'ai tellement souffert du micro management que je ne veux pas être une micro manager à mon tour. Dans la continuité de cela, je n'ai pas envie qu'ils aient l'impression que je les utilise pour leur faire dire des trucs à ma place, ce qui est, disons-le, le truc le plus insupportable du monde.
Donc voilà, août a avancé, des points ont été faits me permettant d'avoir une idée du plan de cours proposé, de challenger certains points, de suggérer quelques ajouts. Quand même assez léger. Pour certains modules ces points ont commencé 1 semaine avant le début du tournage pour cause de vacances de l'intervenant... C'était serré, mais l'intervenant avait l'air confiant. Tous globalement semblaient confiants sur le fait qu'ils auraient de quoi alimenter 1h30 de contenu par module chacun et que ça s'enchainait bien, mais je n'avais pas vraiment de script donc difficile à évaluer.
Perso je les trouvais stylés et hyper efficaces parce que de mon côté je rédigeais mon script mot pour mot pour Bien dans ma robe et je voyais bien tout ce qu'il faut écrire pour que ça fasse 5 minutes à l'oral. Mais bon, confiante en leur professionnalisme, je ne cherchais pas beaucoup plus loin et je me disais que j'étais trop bonne élève, que c'est moi qui en faisais surement trop.
Le 31 août est donc arrivé et j'ai inauguré la prise de vue.
L'après-midi, c'était le tour d'un des intervenants de Confiance en moi. Et là, badaboum. Pas assez de préparation. Le plan est bien, mais ça manque de contenu, ça manque de gras. Ça manque d'exemples, trop de punchlines et pas assez d'explications, de développement. Donc c'est quali, mais c'est trop court par rapport à ce qui est initialement prévu, et trop froid aussi. On n'y est pas. Je vois que lui qui pensait improviser devant la caméra à partir de quelques bullet point n'y arrive en fait pas. Alors je challenge sur le set, je suggère des choses, je l'aide à formuler sa pensée. C'est laborieux, mais ça va mieux.
[Je prends vraiment conscience à ce moment-là que ma sur-préparation était en fait juste une préparation normale. Il faut savoir ce qu'on va dire dans le détail parce qu'on ne développe pas devant une caméra comme on le fait devant des personnes réelles. L'absence d'interaction change drastiquement la donne.]
Le lendemain après-midi rebelote avec le même intervenant sur un autre sujet. Ce dernier est conscient d'ailleurs des insuffisances de son travail, il répète plusieurs fois quelque chose qui me frappe [et qui va m'aider ensuite à tirer les leçons de cette histoire] à savoir qu'il est coach et non formateur, et qu'il se rend compte qu'il a besoin de l'interaction pour être bon. À la fin de cette journée je stresse, je commence à imaginer des manières de bidouiller pour compléter, ajuster, et être quand même au niveau. Je me convainc que le mieux est l'ennemi du bien, que c'est une V1 de la formation etc, mais je rentre quand même abattue et triste et déçue du résultat.
La chance m'est alors apparue sous la forme d'Agnès. Agnès est une amie de Nick et Louise, mes amis qui se sont occupés de la production (prise de son et vidéo) [et qui vont maintenant gérer la post-production (notamment le montage, merci Louise)]. Nick et Louise n'habitent pas à Paris et c'était donc ambiance boot camp à la maison. Ils en ont profité pour voir quelques amis dont cette fameuse Agnès qui est venue dîner à la maison. Là il faut nous imaginer autour de pizzas, moi complètement dépitée et donc plombant l'ambiance. Agnès fait de la production pour des boîtes comme Guerlain ou Chanel. En peu de mots, c'est la meuf qui coordonne tous les corps de métier pour que ça se passe bien sur le plateau. Et là Agnès me demande si j'ai fait répéter mes intervenants, si je leur ai demandé s'ils s'étaient chronométré, si j'ai exigé un script. Et ma réponse était non, non, non. Et elle m'explique son métier qui consiste en s'assurer que les gens avec qui elle travaille se sont vraiment bien préparés et à quel point il ne faut pas hésiter à intervenir, beaucoup. À confronter ces personnes à leur propre travail. Même avec des gens qui sont a priori tous des pro parce qu'on n'atterrit pas sur un tournage pour Guerlain par hasard.
Ça me fait beaucoup cogiter.
À minuit, avant d'aller me coucher, j'ouvre mon ordinateur pour voir la V2 du plan/début de script d'un autre intervenant pour cette formation programmé à 9h le lendemain matin. Et disons-le je ne suis pas hyper chaude. Le tournage du contenu de cet intervenant commençait le lendemain matin à 9h. Je me rassure en me disant que ça va le faire. Le lendemain matin je me lève à 6h pour mettre le texte dans le prompteur. Je ne le sens pas, je ne le sens pas, je ne le sens pas. A 7h30 j'ai envie d'avorter le tournage. Je me dis qu'il n'y a pas eu de pré-ventes pour cette formation donc que je n'ai pas le couteau sous la gorge. Je réfléchis au temps de tournage puis au temps de post-production investis dans la production d'un contenu qui ne me convient et convainc pas. Je trouve que c'est du gâchis. À 7h45 j'en parle avec Nick et Louise qui m'encouragent à me faire confiance. A 8h j'appelle l'intervenant pour annuler.
Autant vous dire que j'étais dépitée.
Puis j'appelle le 3e intervenant pour annuler son tournage aussi. Et il se trouve que ce 3e intervenant est donc coach mais aussi comédien de formation. On en discute et il me fait une analogie avec le rôle du metteur en scène en théâtre : le metteur en scène ne joue pas, ce qui ne l'empêche pas de diriger les acteurs, de suggérer des attitudes, des changements d'interprétation. D'ailleurs ce n'est pas vertical, le metteur en scène a un rendu final en tête auquel il veut aboutir, et c'est entre ses demandes et les retours et les propositions des comédiens que se créée la pièce.
Ça paraît évident n'est-ce pas ? Comment n'en ai-je pas pris conscience plus tôt franchement ? D'autant plus qu'à défaut d'avoir des connaissances sur la mise en scène, j'ai lu plein d'interviews de réalisateurs et d'acteurs qui parlent de ce travail collectif justement, donc j'avais toutes les connaissances pour anticiper, prendre cette place dès le départ [de la différence entre la connaissance et l'expérimentation - peut-être le sujet d'une prochaine newsletter].
Et je comprends le rôle que je n'ai pas investi par peur de micro-manager, par envie de donner de l'autonomie aux coach, de leur faire une vraie place, de respecter leur propriété intellectuelle aussi.
Pourtant je peux intervenir, les diriger. J'ai les connaissances qui me permettent de challenger (quand bien même je ne suis pas coach professionnelle, ça fait un moment que je me documente énormément en la matière, et je suis moi-même coachée donc je vois comment ces fils et ces mécanismes fonctionnent). J'ai aussi l'expérience acquise des premières sessions de cette formation sous forme d'ateliers présentiels. Et puis, indépendamment de ça, Fleur d'avocat c'est mon projet, ma boîte, ma marque, mes clients, ma réputation. Donc la moindre des choses c'est que ce qui ressort de ce que je propose me plaise et soit à la hauteur de ce que j'ai envie de donner. Bref j'ai tout ce qu'il faut pour être légitime à défier mes intervenants sur le contenu, envisager de développer un point, de déplacer un autre, suggérer tel ou tel type d'exemple, proposer un exercice, inviter à reformuler, bref, participer et co-construire.
J'ai eu une discussion à ce sujet avec l'intervenant dont le contenu n'était pas à la hauteur et qui m'a servi d'électrochoc. Il m'a dit avoir adoré la posture que j'ai adoptée sur le tournage, qui justement était celle de la co-construction. Que ça l'avait beaucoup aidé, qu'il avait trouvé ça pertinent et intéressant, et que c'est ce qu'il aurait aimé que je fasse dans le travail de préparation.
Figurez-vous qu'une ressource est venue résonner avec mon expérience et mon apprentissage. Dimanche dernier, j'ai écouté l'interview de Charlotte Cadé, la fondatrice et CEO de Selency, dans le podcast GDIY. Charlotte raconte dans cet épisode un gros échec technique sur la refonte de leur site internet. Elle explique que pendant ce travail de refonte du site internet elle n'avait pas osé challenger l'équipe informatique parce que c'est pas son domaine, alors qu'en fait comme CEO elle doit être en mesure de comprendre ce qui se passe pour approuver ou pas ou demander des modifications etc. C'est donc son travail que d'exiger de son équipe technique de lui permettre cette comprendre, de suivre, de challenger, de prendre des décisions. Donc, lorsque Matthieu Stefani lui demande le conseil qu'elle donnerait à la Charlotte Cadé de 20 ans, elle répond la chose suivante :"Aie confiance dans le regard critique que tu peux apporter sur tout sujet de la vie. Ce n'est pas parce que tu ne connais pas et que tu ne maîtrises pas un sujet que tu ne peux pas y apporter ton regard, ta fraicheur, et créer de la valeur dedans. On est trop nombreux à se taire,
à s'auto-censurer parce qu'on ne se sent pas crédibles, pas légitimes etc.". Ça me fait aussi penser à l'interview de Philippe Lebauvy. Philippe a demandé à un ex-associé, un avocat absolument excellent, pourquoi est-ce qu'il l'avait pris lui pour associé. Et ce dernier lui a notamment répondu :
"Il y a très peu de gens qui sont capables de me résister, et toi tu ne lâches jamais.
Tant que tu n'as pas compris un truc, tant que t'es pas d'accord, tu me résistes [...],
alors que les gens ont peur de me résister, ils me respectent trop.
Toi tu me respectes mais tu me résistes.
Si t'es pas d'accord, tu me le dis".
Maintenant que j'ai compris mon rôle, et aussi que l'exercice de ce rôle n'est pas en lui même oppressant ou étouffant, que je peux intervenir sans être dans le micro-management, et bien je vais retravailler cette formation, en collaboration avec ces intervenants qui sont de belles personnes et d'excellents coachs et de qui j'ai envie de m'entourer. On va y aller tranquille sur le calendrier pour laisser le temps de la co-construction. Cette formation sortira quand ce sera le moment (en février ce serait bien), et elle sera d'autant plus riche qu'elle sera le fruit de ce travail collectif, j'en suis persuadée. J'ai hâte de la partager avec vous !Et vous, avez-vous tendance à trop contrôler ou à ne pas assez contrôler ? Quel impact dans votre façon de travailler ? Comment pourriez-vous mieux faire, c'est à dire trouver votre juste place, la juste dose d'intervention
*qui n'est plus disponible aujourd'hui