Le pouvoir de la critique et du feedback

Dans un précédent article, je vous invitais à identifier, assumer et miser sur vos forces, vos super pouvoirs. En réponse à ce texte, François Mazon, qui, en plus d'être un invité du podcast, est un auditeur et un lecteur fidèle, a souligné qu'il s'agit d'un exercice bien plus difficile qu'il ne paraît notamment car on subit souvent l'image que l'on veut donner de soi, ou (pire selon lui), l'image que les autres nous renvoient*. Ces propos que je rejoins m'ont donné envie de vous parler aujourd'hui du regard des autres (une bonne correspondance se suit, non ?).

Je me rends-compte en y réfléchissant que cette peur du regard des autres est apparue déjà dans bon nombre de mes lettres. Vous ne serez donc pas surpris si je vous dis que (moi aussi) j'ai peur du regard des autres.

Sauf qu'à un moment on est là, on veut entreprendre, et c'est juste impossible d'entreprendre sans s'exposer. Chacun à sa façon bien sûr, mais il faut s'exposer.

Entreprendre de faire quelque chose = s'exposer = risquer le regard des autres sur :

  • ce qu'on fait (un podcast sur les avocats épanouis, c'est un peu niais non ?) ; 
  • comment on le fait (c'est trop long, les questions ne sont pas pertinentes) ;
  • pourquoi on le fait (lol la meuf fait un podcast sur les avocats épanouis alors qu'elle a quitté la profession - vous ai-je déjà parlé de la fois où mon père m'a demandé en rigolant comment je pouvais former les avocats à être bien dans leur robe alors que moi même je ne me suis pas épanouie dans cette profession ? Grand moment de solitude).   

Je vous traduis ça en langage avocat parce que je vois bien mes clients se débattre avec les mêmes monstres :

  • ce qu'on fait (elle/il fait un site internet perso alors qu'elle/il est en collaboration, franchement elle/il se prend pour qui ?) ; 
  • comment on le fait (d'ailleurs il est moche son site internet) ;
  • pourquoi on le fait (elle/il ne doit pas avoir de perspectives d'évolution dans son cab).   

Il n'y a pas un seul moment où je n'ai pas peur de ce que vous allez penser de ce que je fais, et de comment et pourquoi je le fais. Pas un seul. Et plus ça va, plus Fleur d'avocat gagne en notoriété, plus je suis lue et écoutée, plus vous m'êtes fidèles, plus j'ai peur. C'est quand même con non ?

[Et bien non, ce n'est pas con, c'est PARADOXAL (#novlangue). Et le paradoxe, ça se décortique (avouez que vous ne l'attendiez pas ce verbe décortiquer dans un autre contexte que celui des langoustines).]

Ce serait trop simple de vous dire qu'on s'en fout du regard des autres, parce qu'en vrai non on ne s'en fout jamais vraiment et à ce propos je pense que celles et ceux qui disent s'en foutre sont des menteurs prétentieux et arrogants qui manquent de confiance en eux. 

Je vais vous dire comment moi je me dépatouille de ma peur du regard des autres. C'est un peu long mais j'ai l'impression que je ne reste pas paralysée trop longtemps donc ça peut éventuellement vous aider. Si ça ne vous intéresse pas je vous souhaite tout de suite un bon weekend et vous dis à la semaine prochaine.

Pour ceux qui sont encore là : avant tout, je me fais coacher (je me répète, mais se faire coacher, c'est la vie). 

Ensuite, je m'efforce de distinguer la peur du regard des autres du regard des autres.

D'une part, la peur du regard des autres, se matérialise par des voix dans votre tête (#gollum) qui imaginent ce que les autres vont penser de ce que vous faites. Bonne nouvelle donc : ce ne sont à ce stade que des voix dans votre tête. Vous pouvez donc commencer par prononcer la formule magique suivante : "MAIS VOS GUEULES PUTAIN JE FAIS CE QUE JE VEUX MERDE"**Pour un travail un peu plus en profondeur, sachez que ce(s) jugement(s) que vous attribuez aux (potentiels) autres sous la forme de voix dans votre tête n'est autre que le vôtre. La première chose à faire est donc de comprendre ce qu'il en est de votre propre jugement inavoué sur votre projet.

Exemple me concernant : et bien oui, je fais un podcast sur les avocats épanouis parce que j'aurais bien aimé m'épanouir dans ce métier et que j'ai envie de comprendre ce qui a merdé dans mon parcours. 

Le regard des autres d'autre part, ce sont les critiques, avis, commentaires ou évaluations sur votre travail dont vous avez connaissance. Là c'est tricky car il s'agit de les entendre, de les écouter et de les accepter mais uniquement comme des vérités subjectives. Ni plus, ni moins.

[Définition maison d'une vérité subjective : une vérité qui n'en est une que pour cette personne. Exemple : le fait est que Bernard a cette opinion sur votre travail que vous le vouliez ou non, donc l'opinion de Bernard est une vérité. En revanche, ce n'est que la vérité de Bernard.]

S'agissant de cette vérité subjective :

  1. elle parle de son émetteur (l'opinion de Bernard parle de Bernard) : demandez-vous donc toujours ce qui peut expliquer cette opinion, ça vous aidera à ne pas le prendre personnellement ; et
  2. vous pouvez en faire ce que vous voulez : être d'accord et donc changer, ne pas être d'accord et ne rien changer, et mille nuances entre ces deux options.

Dans tous les cas, je vous encourage à vous intéresser aux critiques quelles qu'elles soient, et même d'aller chercher la critique car vous risquez d'apprendre beaucoup. Ça vous aidera à vous positionner et donc à vous affirmer dans ce que vous entreprenez. 

Cet article est décidément très long mais puisqu'il s'agit de tout vous dire, je vais vous confier un dernier truc contre la peur du regard des autres.

Parler. 

Je ne sais pas si c'est parce que je suis gémeaux ou quoi, mais parler est mon remède à la peur***. Ça marche parce que la plupart du temps on me rassure (je vous propose une minute de silence en soutien de mes amis qui supportent ces discussions et qui me rassurent inlassablement).

Par exemple, j'ai timidement partagé l'idée de transformer mes formations en digital dans cette newsletter, et j'ai reçu des messages à ce sujet (positifs !). Puis vous m'avez posé des questions au téléphone donc j'ai pu vous en dire plus sur comment j'imagine les choses, et vous avez été quasi unanimement chauds.

Et j'ai aussi commencé, avec un trac pas possible, à évoquer avec vous l'idée d'un financement participatif pour la production des formations en digital (avec des pré-ventes des formations à un tarif avantageux + des plus petites contributions pour celles et ceux qui veulent soutenir le projet sans forcément investir dans une formation tout de suite)... et vous avez tous trouvé que c'était une super idée.

Donc voilà, mes secrets contre la peur du regard des autres. Je vous préviens : on n'est jamais guéri.

[D'ailleurs là vous voyez comment je vous introduis l'idée du financement participatif à la fin d'un email long comme le Nil, sans rien mettre en gras, en me disant que peut-être que cette info va passer inaperçue derrière tous ces paragraphes.]

Bon, et vraiment après ça j'arrête, mais cette histoire d'en parler a été largement couvert par Brené Brown, une chercheuse en sciences sociales qui, au détour d'une recherche sur la honte, a théorisé le pouvoir de la vulnérabilité. Elle en a fait un livre (le premier livre de développement personnel que j'ai lu), et un TEDx.

J'ai encore de quoi noircir quelques pages sur ce sujet mais je pense que vous avez déjà largement de quoi vous occuper.

*sujet qu'il aborde brièvement dans cette courte présentation sur sa reconversion. Il m'a aussi confié avoir parlé de cette histoire de cheveux et de super pouvoirs à ses enfants dans la foulée, et je suis honorée d'être à l'origine de telles conversations familiales !
**copyright
***référence à l'émission Remède à la mélancolie par Eva Bester sur France Inter

"Merci pour cette newsletter toujours aussi passionnante, stimulante et qui donne envie d’avancer avec toi”
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